Interview de Keiko Onishi

Dans le cadre de la programmation Animasia Hors Les Murs, nous organisons des interviews de professionnels qui participent au rayonnement de la culture japonaise en Nouvelle Aquitaine.

Le but ? Vous faire découvrir leurs activités, leurs parcours, leurs motivations et surtout leurs expériences !

Pour cette deuxième interview, nous avons fait appel à Keiko Onishi, Maitre de cérémonie du thé.

Je suis née et j’ai grandi à Tokyo.

J’ai commencé à étudier la cérémonie du thé en 1997, quand j’avais 18 ans. C’était une des activités après les cours à l’université. J’ai choisi la cérémonie du thé parce que je voulais étudier l’art traditionnel japonais profondément pour le présenter un jour à l’étranger.

À l’université j’ai rencontré mon maître de 茶の湯 (chanoyu), et petit à petit, je me suis passionnée pour la Cérémonie du thé. Maintenant, je me rends compte que ça fait plus de 25 ans que j’étudie cet art.

J’ai également étudié l’art floral, l’art du Kimono, la calligraphie, la cuisine japonaise et l’art des wagashis.

Après ces années d’études, je me suis installée à Bordeaux en 2019 avec mon mari bordelais.

Maintenant, j’essaie de promouvoir cet art unique pour le diffuser en France. Je souhaite ainsi partager mon expérience de la culture japonaise et de cette philosophie.

Mon maitre de cérémonie du thé, Mme Keisho AMAKASU, m’a fait découvrir très discrètement de petites beautés dans le pavillon de thé à chaque cours.
Et petit à petit, je me suis rendu compte que toutes les beautés qui sont dans la cérémonie du thé existent aussi dans la vie quotidienne. Par exemple, le sentiment de respect des autres, le petit souffle du vent, le son de l’eau qui coule, etc.

Elle ne m’a jamais rien montré directement ni forcé à faire quoi que ce soit.
C’est peut-être ce qui m’a amené à la profondeur à cet art.

Chaque fois que je fais une démonstration de cérémonie du thé, j’imagine toujours mon maître. Son corps est droit mais ce n’est pas exagéré, et tous ses mouvements sont naturels et beaux sans être artificiels.

Même si elle n’exagère sur rien, son apparence est un mélange de force, de douceur et de beauté.

Je pense à mon maître pour que je puisse être comme ça aussi.

On dit que la cérémonie traditionnelle du thé dure plus de quatre heures.
Tout d’abord, les invités admirent le jardin avant d’entrer dans le salon de thé (généralement situé dans le jardin). Une fois à l’intérieur du salon de thé, ils observent la façon d’installer des charbons et admirent l’arrangement de fleurs et un kakemono (calligraphie japonaise) suspendu dans l’alcôve. Ensuite, ils mangent un simple repas kaiseki, ils boivent un peu de saké, puis enfin ils boivent deux types de matcha.

Donc, un maître nettoie le jardin où viennent les invités, dispose des fleurs de saison, expose une calligraphie (un kakemono) approprié à l’occasion de cette cérémonie, choisit les ustensiles à thé (bols, bouilloires, etc.) et prépare des repas kaiseki. Il faut savoir tout faire.

Habituellement, lorsque l’on parle de cérémonie du thé, c’est la partie où l’on admire l’alcôve et où l’on boit du thé vert matcha.
Je vous montrerai également cette partie dans ma démonstration.

Très peu de mots sont échangés lors de la cérémonie. En ne parlant pas, vous pouvez vous concentrez davantage sur les mouvements du maître et sur l’ambiance du salon de thé.
Et même sans paroles, vous pouvez être ému et apaisé en participant à la cérémonie. Il s’agit d’une communication silencieuse entre la personne qui accomplit la cérémonie et les invités.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, pour être maître, cela nécessite des connaissances dans toutes sortes de domaines, notamment la composition florale, la calligraphie, la poterie, la cuisine et le jardinage.

La cérémonie du thé a un lien profond avec le bouddhisme zen. Le matcha a été importé de Chine au Japon par des moines bouddhistes zen.

Sen no Rikyu, qui a perfectionné la cérémonie du thé, a déclaré : « Il est important de respecter l’esprit du Zen, de se regarder et d’entraîner son esprit. »

Parmi les principes Zen, j’essaie de mettre en pratique le principe de « vivre en se concentrant uniquement sur ce qui est juste devant soi » lors de la cérémonie du thé.

En suivant la voie de la cérémonie du thé, vous pourrez découvrir de nombreuses beautés de la culture japonaise.

Cependant, à part cela, il y a une autre raison pour laquelle je voudrais recommander la cérémonie du thé aux gens de notre époque.

De nos jours, on est entouré de menace invisible : le Covid, des rumeurs, des informations…

On mange en regardant la télé, on prend un café en regardant le smartphone, on fait du sport en écoutant de la musique… on ne cherche que l’efficacité. Mais l’esprit n’est pas en harmonie avec le corps.
Au final on sent la fatigue, le stress, la dépression…La cérémonie du thé vous permet de ressentir la saison en cours et de vous concentrer sur ce qui se passe devant vous, ce qui est bon pour votre esprit et votre corps.

On dit que la cérémonie est restée inchangée depuis 1590 environ, lorsque Sen no Rikyu a perfectionné la cérémonie du thé, jusqu’à nos jours.

À l’origine, la cérémonie du thé était florissante parmi les hommes, notamment les moines, les nobles et les samouraïs.

Puis elle est progressivement devenue populaire, et dans la génération de ma grand-mère et de ma mère, l’apprentissage de la cérémonie du thé était encouragé dans le cadre de la « formation des mariées », et c’était même une matière obligatoire dans les lycées pour filles.

Ichigo ichie peut être traduit par « Une fois, une rencontre » et aussi par « En ce moment, une opportunité ».
Cela signifie que chaque rencontre, tout ce que nous vivons, est un trésor unique qui ne se répétera plus jamais de la même manière. Donc, si nous laissons échapper le moment sans en profiter, il sera perdu à jamais.